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Le Pic épeichette

Dryobates minor

 

 

"Je n'exclus pas d'ailleurs qu'il ait pu être ce légendaire « Pic Maçon » à qui l'on attribuait la fondation de la Loge « À l'Orient d'Ombrosa »."

Italo Calvino, Le baron perché.

  © Pic épeichette

Pic épeichette © G. Picard / LPO-IDF

 

Ordre : Piciformes
Famille : Picidés
Genre : Dryobates
Espèce : Dryobates minor

Petit pic bigarré

Dans son nom scientifique, le genre Dryobates, signifiant « marcheur des bois », est formé d’après le grec drus, « arbre », et bates, « marcheur ». Minor signifie « plus petit » en latin. Cette petitesse est reprise dans presque toutes les langues dont le français avec le diminutif « épeichette ».

À peine plus gros qu'un moineau, en effet, le Pic épeichette est le plus petit pic d'Europe. Adulte, il mesure 14 à 16 cm de long pour une envergure de 25 à 27 cm. Pesant de 17 à 25 grammes, il est si léger qu’il peut se poser sur de grandes touffes et sur l’extrémité des branches.

Son espérance de vie est estimée à 7 ans.

Le plumage du Pic épeichette est noir et blanc : blanc brunâtre sur le dessous, légèrement rayé de noir sur le ventre. Son dos et ses ailes, aux rayures transversales noires et blanches, sont caractéristiques. Avec sa calotte rouge, le mâle se distingue facilement. En revanche, pas de note de couleur pour la femelle dont le dessus de la tête a des teintes allant du blanc au noir. La mue a lieu de juillet à septembre.

© Pic épeichette

Pic épeichette © A. Peresse / LPO-IDF

Hormis sa petite taille qui le distingue des autres pics, l’Épeichette se différencie du Pic épeiche et du Pic mar par la couleur. De ces trois pics noir et blanc, c'est celui qui porte le moins de rouge : le mâle n’en a que sur la tête.

Oiseau de milieu forestier, le Pic épeichette fréquente les boisements d’arbres à feuilles caduques mais évite les massifs de conifères et les zones de montagne pour nicher. Il habite les forêts claires de feuillus, les petits bois mais aussi les parcs, jardins et allées arborées. Il préfère les zones riches en vieux arbres et aime également les abords des cours d’eau pour le bois tendre des peupliers, des saules et des aulnes. Le plus souvent, il séjourne dans la partie haute des arbres.

Solitaire et sédentaire, le Pic épeichette a besoin d’un territoire très étendu (200 à 500 hectares) pour subsister pendant la période hivernale. Ainsi, il peut voler très loin de son site de nidification, quant à lui beaucoup plus restreint (7 à 12 hectares) et s’aventurer dans des milieux qu’il affectionne peu comme les forêts de montagne et de conifères ou encore les villes.

Accrobranche

Comme la plupart des pics, l’Épeichette a un vol onduleux, fait en alternance d’une montée en trois coups d’ailes, puis d’une descente les ailes collées au corps. Ensuite, il se plaque contre un tronc ou une branche, dans la position inclinée caractéristique des pics.

Arboricole, il fait partie des oiseaux grimpeurs. Deux éléments essentiels lui permettent de s’accrocher à n’importe quelle écorce :

  • ses pattes, constituées de deux doigts en avant et de deux doigts en arrière – on dit qu’il est zygodactyle. Elles sont terminées par des griffes arquées et acérées.
  • sa queue, aux rectrices particulièrement résistantes. Elle lui apporte l’autre point d’appui indispensable pour évoluer le long des troncs et s’y fixer. C’est pourquoi la mue des douze plumes caudales est très progressive : elles ne tombent et ne repoussent pas toutes en même temps afin que soit préservée la force de la queue.
© Pic épeichette

Pic épeichette © J. Lejeune / LPO-IDF

On ne peut pas parler d’un pic sans évoquer aussi son bec et sa langue. Noir ardoisé chez l'Épeichette, le bec des pics, qui sert à marteler les troncs et à découper le bois, est dur et fort. Son usure plus rapide que chez les autres oiseaux est compensée par une croissance continue, elle aussi plus rapide. Mais avec un bec moins puissant que celui des autres pics, l’Épeichette aura une préférence pour le bois tendre, les arbres morts ou sénescents.

Le bec est prolongé par une tête imposante et un cou musclé en mesure de limiter les répercussions dues aux coups de becs répétés.

Enfin, très mobile, la langue du Pic épeichette est longue, effilée, un peu visqueuse pour engluer les insectes et terminée par de petites pointes servant à extraire les larves de leur trou.

Car le Pic épeichette est un insectivore quasi exclusif. Il adore les insectes xylophages et leurs larves mais se nourrit tout aussi bien d’autres coléoptères, de chenilles, de diptères, de fourmis et de pucerons. Fréquentant essentiellement la cime des arbres, il n’entre pas vraiment en concurrence avec les autres espèces pour la recherche de sa nourriture. En hiver, à l’occasion, il pourra malgré tout faire un petit détour par une mangeoire de jardin et ses graines.

Pic d’activité

La période de reproduction du Pic épeichette s’étend de mars à août.

Au printemps, entre mars et mai, mais parfois dès le mois de janvier puisque ces oiseaux sont sédentaires, le couple d'épeichettes se forme. Après une parade nuptiale faite de cris (une série de ti-ti-ti-ti… aigus), de tambourinage contre les branches et de vols planés, mâle et femelle s'attèlent tous deux au forage de la loge, formée d'un court tunnel qui débouche sur une chambre tubulaire et profonde. Au fond de la cavité, ils déposent une litière faite de copeaux et de fragments de bois.

Cette loge est à sa mesure, de petite taille : en général à plus de 3 mètres du sol et rarement au-delà de 7 mètres, avec une entrée d’un diamètre de 32 à 40 mm. Le diamètre de la chambre est un peu plus large, de l’ordre de 70 à 90 mm, tandis que la profondeur varie entre 120 et 230 mm.

La femelle pond 5 à 6 œufs blancs en avril ou mai. L'incubation dure 14 jours, puis les oisillons sont nourris par les deux parents pendant une vingtaine de jours. Les adultes apportent un à un les insectes à leurs petits, d'où leurs allées et venues très fréquentes. Ils s’éloignent alors très peu, cherchant la nourriture dans un rayon de 70 mètres environ.

Le couple a une nichée par an mais il peut arriver qu’une femelle ait deux mâles et dépose une ponte dans chaque loge.

Les jeunes se dispersent de juillet à octobre pour trouver un territoire.

Les œufs et les oisillons sont des proies prisées des rapaces diurnes et nocturnes (Épervier d’Europe, chouettes et hiboux) mais aussi de l’Écureuil roux, ce dernier n’hésitant pas à aller chercher les œufs au fond de la loge.

cavité
© Pic épeichette

Pic épeichette © A. Peresse / LPO-IDF

Loge luxueuse pour habitat solidaire

La loge des pics joue un rôle essentiel non seulement dans la vie des pics mais aussi dans celle de la faune de la forêt.

Chaque année, le Pic épeichette fore une nouvelle loge pour sa future nichée. Il creuse le bois qu'il arrache par copeaux avec son bec. Ce travail de forçat peut prendre plusieurs semaines mais ces efforts ne sont pas fournis en vain : l'année d'après et les suivantes, la loge sera disponible pour d'autres animaux, et pas seulement des oiseaux. Ils pourront l'utiliser soit comme abri nocturne ou hivernal, soit comme cavité de nidification. 

Et puisque chaque espèce de pic creuse une cavité adaptée à sa taille, il y en a pour tous les goûts et tous les gabarits ! La loge du Pic épeichette, avec son petit diamètre, fera un gîte parfait pour les mésanges, par exemple.

De cette manière, les pics jouent un rôle déterminant dans l'écosystème forestier et la vitalité de leurs populations a un impact direct sur l'équilibre de la forêt.

Certains pics épeiches parviennent à s’adapter aux contraintes de la vie en ville et creusent même des cavités dans les parois d’isolation extérieure des bâtiments ! Mais le farouche Pic épeichette, à l’écologie plus exigeante, ne semble pas détenir les mêmes possibilités d’adaptation à l’environnement urbain.

Le saviez-vous : tambourinage ou martèlement ?

Tous les pics s’adonnent au martèlement mais tous ne tambourinent pas.

Les pics utilisent le martèlement toute l’année, lorsqu’ils travaillent un tronc ou une branche pour chercher leur nourriture ou pour forer leur loge. Les coups de bec leur servent à localiser leur nourriture, au moyen de l'ouïe, grâce aux sonorités différentes renvoyées par l'écorce en fonction de ce qui se trouve dessous (fourmis, larves, tunnels d'insectes, etc.). Insectivore, le Pic épeichette a donc sans cesse besoin de marteler l’écorce pour y dénicher les larves et les insectes dont il se nourrit. Le martèlement crée un bruit irrégulier et peu sonore.

Lié à la période de reproduction, le tambourinage, lui, se produit de janvier à mai-juin, son intensité maximale ayant lieu de la mi-mars à la mi-avril. Les pics ne possèdent pas de chant au sens strict, parfois un cri : pour marquer leur territoire et appeler à l’accouplement, ils ont aussi recours au tambourinage. Pour cela, ils cherchent la branche ou l’écorce qui offrira la meilleure résonance. Chaque espèce de pic tambourine selon un rythme, une puissance et une durée qui lui sont propres. Et la rapidité est parfois ébouriffante : le Pic épeichette peut ainsi produire une vingtaine de sons en une seconde ! Il enchaîne souvent deux séries de suite séparées par un court intervalle. Mais du fait de sa petite taille, la portée de son tambourinage est assez faible. Il ressemble presque à un ronflement. Chez l’Épeichette, la femelle s’y adonne autant que le mâle.

Pour résumer, le martèlement est un travail, le tambourinage un signal.

Voici la bande-son du Pic épeichette

© Pic épeichette

Pic épeichette © T. Riabi / LPO-IDF

Répartition du Pic épeichette
Dans le monde

Il est présent dans toute l’Eurasie. Certains relevés le signalent également en Afrique du Nord.

Dans le monde et en Europe, il est classé en préoccupation mineure (LC).

On compte 2 100 000 à 4 799 999 individus adultes dans le monde et 983 000 à 2 110 000 en Europe (BirdLife International 2015). L’Europe représente environ 45% de la population globale des Pics épeichettes.

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Répartition du Pic épeichette (Dryobates minor) dans le monde Source : Inventaire national du patrimoine naturel https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/3630/tab/carte

En France

On trouve le Pic épeichette dans toute la France sauf dans les îles. Bien que présent sur l’ensemble du territoire, il l’est en abondance faible : on estime à 25 000-50 000 le nombre de couples (2013). C’est une espèce considérée comme vulnérable et en diminution (Liste rouge des oiseaux nicheurs de France métropolitaine). Elle a le statut de protection nationale.

Sur le territoire national, le déclin observé du Pic épeichette est important et inquiétant : de -67% depuis 1989, la chute semble s’être atténuée dans les années 2000 avec une baisse de 39% mais le déclin est reparti avec une estimation à -47% sur les dix dernières années (2008-2018). L’ampleur de cette baisse est similaire à celle observée au Royaume-Uni et dans l’ensemble de l’Europe.

En Île-de-France 

Présent toute l’année dans tous les départements de l’Île-de-France, il y reste pourtant toujours rare, même dans les milieux favorables. Pour cette région, il est également considéré comme vulnérable avec une tendance à la baisse (Liste rouge régionale des oiseaux nicheurs en Île-de-France).

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Carte de nidification du Pic épeichette (Dryobates minor) en Île-de-France (issue de l’Atlas des oiseaux nicheurs d’Ile-de-France, 2009-2014). En rouge les nicheurs certains, en orange les nicheurs probables et en jaune les nicheurs possibles. Les cercles concentriques donnent une idée des effectifs nicheurs par maille du quadrillage : de 1 à 10 couples pour les petits cercles, de 11 à 100 pour les plus grands cercles, des losanges lorsqu’il n’y a pas eu de dénombrement.

Un déclin important de l’espèce est constaté en Île-de-France depuis le début des années 1980, avec une population qui, de 5000 couples en 1995, est passée à 2000 couples en 2015.

En 2015, sur l’ensemble de la région, le Pic épeichette est l’espèce de pic la moins observée, loin derrière le Pic noir et le Pic mar, et surtout les Pic vert et Pic épeiche. Il a été observé dans 219 communes mais on détient très peu de données de nidification certaine : une nichée a été observée à Vélannes (Yvelines), des jeunes ont été vus à Courdimanche (Val-d’Oise) et à Évry-Grégy-sur-Yerre (Seine-et-Marne).

Dans Paris intra-muros, il ne restait en 2018 que 2 à 3 couples de Pic épeichette. Ils étaient dix fois plus dix ans auparavant !

En 2018 également, sa nidification dans la vallée de la Marne n’était nulle part certaine depuis au moins quatre ans.

En 2019, des observations effectuées dans le parc du domaine de Sceaux (Hauts-de-Seine) ont relevé 2 à 3 couples seulement probables de pics épeichettes, une population apparemment stable.

Et en 2022, en Seine-et-Marne, sa présence a été notée de rares fois dans les secteurs de Solers, Château-Landon et en forêt de Fontainebleau.

Le déclin du Pic épeichette fait partie d’un déclin plus global, celui des oiseaux spécialisés dans certains types de milieux. Selon le programme STOC (Suivi temporel des oiseaux communs), les populations d’oiseaux forestiers ont ainsi baissé de 9,7% de 1989 à 2019.

On suppose que sa quasi-disparition des zones urbaines est la conséquence indirecte de la diminution des populations en zones forestières, qui n'auraient plus à chercher d’autres territoires en ville. Cet oiseau, qui n'est généraliste ni en termes de milieu, ni en termes de nourriture, surmonte avec sans doute plus de difficultés les atteintes aux espaces naturels.

Afin d’améliorer l’accueil et la conservation de l’espèce, le département de Seine-et-Marne donne des pistes pour la gestion forestière : la conservation des vieux arbres dans les forêts et les parcs, avec la création d’îlots de vieillissement ; une hausse de l’âge d’exploitation des boisements de feuillus ; enfin, la plantation, dans de jeunes boisements, d’arbres à bois tendre comme le bouleau ou le tremble. Autant d’aménagements qui seraient profitables aux populations de Pic épeichette.

Les prochains plans de gestion de l’Office national des forêts seront une véritable gageure, entre la prise en compte de ce type de préconisations et la sauvegarde de forêts très fragilisées par la sécheresse depuis 2017.

© Pic épeichette

Pic épeichette © A. Bloquet / LPO-IDF

Bibliographie
Ouvrages et périodiques
  • Atlas des oiseaux nicheurs d’Île-de-France, 2009-2014. Centre ornithologique d’Île-de-France (CORIF), 203 p.
  • Atlas des oiseaux nicheurs du Grand Paris : 2015-2018. (2020) Par F. Malher, O. Disson, C. Gloria, M. Leick-Jonard, M. Zucca. LPO, 232 p.
  • La faune sauvage de Seine-et-Marne. (2012) Sous la coordination d’O. Renault, Conseil général de Seine-et-Marne, 359 p.
  • Le Petit Larousse des oiseaux de France et d’Europe : identifier 500 espèces des plus communes aux plus rares. (2021) Par F. Jiguet et A. Audevard. Larousse, 415 p.
  • Les Passereaux et ordres apparentés. I. Du Coucou aux corvidés. (1961) Par P. Géroudet. Delachaux et Niestlé, 238 p.
  • L’Étymologie des noms d’oiseaux : origine et sens des noms des oiseaux d'Europe. (1995) Par P. Cabard et B. Chauvet. Éveil éditeur, 208 p.
  • LPOInfo n°67 du 2e semestre 2021
  • 440 oiseaux. (2017) Par V. Dierschke. Delachaux et Niestlé, 256 p.
Sites internet 

Article de Marie-Béatrice Billault