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L'espèce du mois
L'Argyronète aquatique
Elle n'a pas peur de se mouiller !
L'Argyronète aquatique, Argyroneta aquatica. Famille des Cybaeidae.
Unique dans son choix de vie
Les arachnides sont apparus et sont sortis de l'eau il y a au moins 500 millions années.
Depuis, nous ne connaissons qu'une espèce d'araignée qui, à l'instar des dauphins
et des baleines, est retournée à une vie aquatique : l'Argyronète !
A quoi ressemble-t-elle ?
L'Argyronète est une araignée assez grande, du même ordre de grandeur, par exemple,
que l'Épeire diadème. Contrairement à beaucoup d'espèces, le mâle argyronète,
long de 10 à 15 mm, est souvent légèrement plus grand que la femelle (8-15 mm).
Chez les deux sexes, le céphalothorax et les pattes sont bruns avec des rangées de
poils noirs très courts. Les quatre pattes postérieures portent également de
longues soies fines caractéristiques. L'Abdomen est gris. Sous l'eau, il prend une
teinte argentée (d'où son nom : argyrus signifie argent en latin).
Femelle et mâle Argyronète aquatique
Photo © N. Schullerr
Argyronète aquatique
Photo © N. Schullerr
Où l'observer ?
L'Argyronète aquatique est largement répandue dans la région paléarctique (région biogéographique
incluant l'Europe, le nord de l'Asie, de l'Afrique et du Moyen-Orient). Elle est présente dans presque
toute la France, mais les populations sont très localisées. Elle vit dans des plans d'eau ou des cours
d'eau à faible courant et recherche une eau non polluée, riche en végétation et en invertébrés aquatiques.
Elle peut être observée dans les mares, les étangs, les tourbières, les fossés et les petits cours d'eau.
Des bulles d'air pour réserve d'oxygène
Vivant en quasi-permanence dans un milieu aquatique, l'Argyronète ne dispose pas pour
autant d'organes respiratoires lui permettant d'assimiler l'oxygène dissous dans l'eau.
Elle constitue donc une réserve en air. Les soies hydrofuges, qui recouvrent son abdomen,
retiennent une couche d'air qui lui permet de respirer et d'évoluer dans l'eau.
Abdomen recouvert d'air de l'Argyronète aquatique
Photo © N. Schullerr
Une résidence sous l'eau
Elle commence par tisser, sous l'eau, une toile en cloche qu'elle accroche aux végétaux.
Puis, elle remonte à la surface chercher de l'air. L'air est collecté par une des
pattes postérieures, stocké entre les longues soies hydrofuges de ces pattes, puis
expulsé sous la toile en cloche. Plusieurs voyages sont nécessaires pour remplir la
cloche de la taille d'une noisette. Dans la cloche, le taux d'oxygène est maintenu par
diffusion avec l'eau environnante et grâce à l'oxygène émis par les plantes aquatiques.
L'air doit tout de même être régulièrement renouvelé, mais dans un environnement optimal,
l'argyronète peut rester trois ou quatre jours sans remonter à la surface. La toile de la
cloche est aussi régulièrement consolidée.
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Schéma d'une toile remplie d'air d'Argyronète
Schéma ©
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La chasse
L'Argyronète chasse sous l'eau avec aisance et capture de nombreux invertébrés aquatiques :
insectes, larves, crustacés, vers. Les proies sont amenées, pour être consommées sous
la cloche car la digestion externe est impossible dans l'eau. Comme toutes les araignées,
l'Argyronète n'avale pas de nourriture solide : elle introduit des sucs digestifs dans la proie,
puis suce la bouillie obtenue.
Un amour mis sous cloche
Après une courte cour, le mâle est invité à rentrer dans la cloche où a lieu
l'accouplement. Le couple peut rester ensemble plusieurs semaines. A la fin du printemps
et en été, les œufs, disposés en cocon, sont également pondus sous la cloche. A cette occasion,
certaines argyronètes construisent, pour leur progéniture, une chambre supérieure, séparée
par une nappe de soie de leurs chambres parentales. Trois semaines après la ponte,
les jeunes sortent du cocon, font leur première mue avant de quitter le cocon quelques jours
plus tard. Certains d'entre aux sortiront de l'eau pour se disperser. Ils tendent alors
un long fil de soie et s'envolent pour coloniser de nouveaux milieux. Des jeunes araignées
sont assez régulièrement observées dans la végétation rivulaire. Les adultes sortent aussi
généralement de l'eau pour muer et sécher leur nouvelle cuticule (couche externe de
l'épiderme des arthropodes). L'Argyronète passe l'hiver dans sa cloche d'air et peut
vivre jusqu'à deux ans.
Une espèce fragile
La régression des zones humides, leur transformation en zone de loisirs, la pollution
des milieux aquatiques et la mauvaise gestion de la végétation aquatique ont entraîné une
raréfaction et une baisse de qualité générale des milieux de vie de l'Argyronète aquatique.
La préservation de l'espèce passe donc par l'amélioration de la qualité de l'eau, le maintien
et la restauration de zones humides.
Chacun d'entre nous peut agir pour l'Argyronète, par exemple :
- en réduisant son utilisation de produits polluants,
- en aidant à l'entretien des zones humides,
- en créant des mares,
- en orientant les gestionnaires vers une gestion des zones humides
plus favorables (Des contrats forestiers, Natura 2000 et des Mesures
Agro-environnementales existent pour les y aider, comme, par exemple,
les mesures proposées dans le programme PRAIRIE du Corif),
- en signalant, aux associations de protection de la nature, les
détériorations observées et les projets de travaux ou d'aménagement prévus sur ces milieux.
Enfin, la répartition des populations françaises est très mal connue. N'hésitez
donc pas à signaler vos observations aux associations naturalistes.
Bibliographie
Sous la coordination de ARIBERT, D. & SINGELIN, P., 2006.- Orientations Régionales de Gestion et de conservation de la Faune sauvage et de ses Habitats.. - DIREN Bretagne.- p.68
BELLMANN, H., 2006.- Insectes et principaux arachnides, identification, métamorphoses, protection.. - VIGOT.- 440 p. (Guide VIGOT de la nature).
DIDIER, B., 2008 - L'Argyronète et quelques araignées des milieux humides.. - Insectes, n°151.- p.9-12.
ROBERTS, M.J., 2009 - Guide des araignées de France et d'Europe.. - Delachaux et niestlé.- 383 p. (Les guides du naturaliste).
JONES, D., 2001 - Guide des araignées et des opilions d'Europe, Anatomie, biologie, habitat, distribution.…. - Delachaux et niestlé.- 383 p. (Les guides du naturaliste).
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